Vous avez loupé les demi-finales du Championnat de France Amateur Seniors Hommes-Femmes à Hayange ou vous voulez tout simplement les revivre? Pas de panique, on rembobine! On vous prévient : on s’est amusé à boxer avec les mots, comme diraient Calbo et Lino. «Tch tch!»
4 février 2017, complexe Régine-Cavagnoud, Hayange. Il est 19 h. Le parking est bondé. On se faufile jusqu’à l’entrée du gymnase, serre deux-trois paluches, mais on ne s’attarde pas car on ne veut pas rater une miette de l’évènement.
© Philippe Neu/Le Républicain lorrain
«Ce soir, c'est le retour du noble art à Hayange! » Au centre du ring, Jean-Pierre Cossegal, la voix de la boxe, costume trois pièces toujours impeccable, diction inimitable, lance la soirée. Celle des demi-finales du Championnat de France Amateur Seniors Hommes-Femmes*.
En lever de rideau, nous assistons à 3 assauts de boxe éducative. Notamment à celui du petit Gabriel Spatazza (BC Hayange) contre Yanis Lamor (DA Sport Boxing Gym 57, Metz). «Combattre sur un grand ring comme ça, y s’en rappellera toute sa vie, c’est magnifique!», glisse un spectateur… Tout comme le fait d’avoir pu obtenir des selfies et photos dédicacées de Souleymane Cissokho (médaillé de bronze aux JO de Rio), Taylor Mabika (champion du monde WBF des lourds-légers) et de la Thionvilloise Emilie Schaeffer (championne du monde de kickboxing). N’est-ce pas «Gaby»?
19 h 44, on passe aux combats de gala amateurs. Et juste au bruit, on sent tout de suite qu’on a plus affaire à la même boxe. Fini de rigoler. Ils ont beau avoir encore un casque… Désormais, les frappes sont portées, la puissance des coups, elle, est autorisée. O’Neill Cartiny (BC Hayange, 17 ans) est le premier de la soirée à être victime d’une entaille. Le sang coule de part et d’autre de son nez. On appelle ça les risques du métier.
20 h 20. Pas l’heure du Groland mais bel et bien celle du protocole. Tous les protagonistes de la soirée (officiels, boxeurs, etc.) se sont rassemblés sur le ring autour du drapeau tricolore. Dans sa robe de princesse, la Yussoise Ema Colaneri, 9 ans, entonne La Marseillaise a capella. On ressent alors toute la solennité du moment. «J’ouvre ces demi-finales du championnat de France de boxe et que le meilleur gagne! », lance au micro Fabien Engelmann, le maire FN de Hayange.
Honneur aux dames! Assis dans les gradins, Ali Messaoud, l’illustre entraîneur du BC Metz, scrute attentivement la performance de Sabah Guedes (26 ans, Guebwiller) opposée à Nassia Mekkid (30 ans, Grande-Synthe), la n° 1 de la catégorie (-48 kg). Une dizaine de secondes avant la fin du combat, il se paye même le luxe d’annoncer le verdict : «C’est bien Sabah, t’as gagné!». Les juges lui donneront effectivement raison.
21 h 07. Jean-François Savarino (24 ans, Dombasle, -49 kg), lui, n’aura finalement pas besoin de tomber le survêt et de s’employer. Son adversaire, Morgan Mille (AB Divison Calonne), blessé, a dû se résigner à déclarer forfait.
21 h 16. Son visage orne déjà les affiches des finales du championnat de France. Car ils se dérouleront chez elle, devant son public au Havre (le 11 février au Magic Mirrors)… Autant dire que ce soir, Amina Zidani (23 ans), le fer de lance de la Don’T Panik Team créée en 2011 par le rappeur Médine, n’a pas vraiment le droit à l’erreur. La victoire est pour ainsi dire obligatoire dans ce qu’elle considère comme «une finale avant l’heure». «Il y a beaucoup de pression sur (ses) épaules», a estimé Abdel (Doudou) Zaouiche, son entraîneur, dans Paris Normandie. Championne de France 2016 des super légers (-64 kg), la brunette au du-rag a choisi cette année de descendre de catégorie (-60 kg) en prévision des JO de Tokyo (2020). Un pari toujours risqué. Face à Belinda Limuka (19 ans, Ring Berjallien), sa copine de l’équipe de France, gauchère qui dispose d’une allonge supérieure, Amina s’évertue à casser la distance, à boxer en avançant. Le combat est âpre, serré. Capuche en fourrure autour de la tête, sa grande sœur, debout au bord du ring, ne la quitte pas des yeux et l’encourage : «Allez ma sœur, allez Amina, allez sœurette : 1, 2, 3.» Juste avant la décision, la grande sœur demeure inquiète, serre les poings. Dernière prière. Puis vient la délivrance. Amina est déclarée vainqueur à l’unanimité. Quelques secondes plus tard, là voilà qui saute dans les bras de sa sœur. Assis, ses parents affichent quant à eux un sourire radieux mais sont plus dans la retenue. Peut-être parce qu’ils savent qu’il lui reste encore une ultime marche à gravir...
21 h 34. «Khalil! Khalil! Khalil!» Pas de doute, les supporters de Khalil El Hadri (BAM L’Heritage, -60 kg) sont là. Une vingtaine de ses potes ont effectué le déplacement depuis Les Mureaux. Et semblent bien décidés à donner de la voix. Finaliste du championnat de France en 2016, le boxeur des Yvelines devait en principe affronter ce soir le vice-champion olympique Sofiane Oumiha. Mais blessé à la main droite, ce dernier a été contraint de se retirer. Repêché in extremis alors qu’il s’apprêtait à rentrer sur l’île, le Réunionnais Bertrand Pasquin n’a rien à perdre. On assiste à un très beau combat, super intense. El Hadri est rapide, élégant, feinteur et débite des séries de coups tout en restant très mobile du buste. A même tendance à chasser en crochet gauche… Mais provoque aussi beaucoup (trop?) son adversaire... Ce qui a le don d’irriter Pasquin, qui lui répond d’un superbe déhanché du bassin… immédiatement réprimé par l’arbitre! À la 2e pause, El Hadri jette un regard interrogatif en direction du public, preuve qu’il n’est pas si serein que ça. «Vas-y, continue comme ça, t’es devant!», tentent de le rassurer 3 mecs assis au premier rang. Au final, El Hadri sera proclamé vainqueur mais pas de beaucoup (27-30, 28-29 x2). Ses potes, munis d’un djembé, peuvent exulter. Et lui sortir du ring telle une rockstar sous les vivats du public…
22 h 38. Après avoir entrevu les belles qualités de contre-attaquant de Jordan Rodriguez (Ring Berjallien, champion de France 2016 en -56 kg), on admire le courage et l’abnégation de Gihade Lagmiry (30 ans, Chambray-lès-Tours, -64 kg), de retour aux affaires après 5 ans d’inactivité et être devenue maman. Quadruple championne de France (2009, 2010, 2011, 2012), elle l’emporte face à Flora Pili (19 ans, Saint-Avold) qui s’est littéralement éteinte au fil du combat. Bon boulot, doc!
23 h 05. Une opposition de styles, une vraie : Warren Esabe (BAM L’Heritage) vs Wahid Hambli (26 ans, Mulhouse). Autrement dit, un puncheur contre un technicien. Finaliste des championnats de France en -64 kg en 2016, le Montbéliardais a faim. Au menu du jour : un dangereux félin, passé par les équipes de France de jeunes, capable de vous «cueillir» sur un seul coup. En dépit de la menace, Wahid se montre sérieux, concentré, appliqué. En termes de niveau, les deux jeunes hommes sont très proches. Wahid est peut-être un chouïa plus précis et entreprenant que «Roméo». C’est sans doute ce qui a fait pencher la balance en sa faveur au moment de la décision (2-1).
23 h 21. «Non, mais là, faut arrêter le combat, c’est pas sérieux, ça en devient aberrant.» Voici le sentiment d’un spectateur alors que Rocky… euh pardon Nurali... Erdogan (19 ans, Cernay, -69 kg), touché à l’arcade sourcilière dès la 2e reprise, visage en sang, est autorisé à poursuivre le combat. Aurait-il pu (dû?) être arrêté contre Keanu Klose (20 ans, USM Viroise)? Sans doute. Mais le docteur Henrion en a décidé autrement. Juste, de loin, on aurait dit que Malik Farhany (ABC Roubaisien, -64 kg) avait été arrêté un peu plus tôt dans la soirée pour bien moins que ça (une arcade sourcilière apparemment déjà mise à mal en 1/4 et qui s’était rouverte)…
23 h 48. «Clément, t’as pu le choix. Si tu veux aller en finale, faut que tu le mettes K.-O... Tu m'entends, K.-O!» Pas sûr que «Clem» (Hong Sik Kee, 24 ans, BC Metz, -75 kg), péniblement en train de récupérer dans son coin à l’approche de la dernière reprise, ait prêté attention à ces mots. Ni aux encouragements de ses potes réunionnais en créole. Car le sergent semble, au pointage, nettement en retard. Au final, il aura bien esquissé un timide baroud d’honneur… Mais il est apparu sans solutions, limite impuissant face à son adversaire Lancelot Proton de la Chapelle (18 ans), un jeune gaucher technique tombeur en 1/4 de Victor Yoka (le frère de Tony).
23 h 51. La réunion touche à sa fin. On a passé une bien belle soirée. Bon ben maintenant, y'a plus qu’à se rentrer et patienter jusqu’aux 11 (Le Havre, finales SF) et 18 (Toulouse, finales SH) février prochains pour connaître l'épilogue, c'est-à-dire le nom des reines et rois de France! Et pour info, sachez que les finales seront diffusées en direct, à partir de 20 h 50, sur France Ô!
Ismaël Bouchafra-Hennequin
* Pour être exact, Hayange a accueilli une partie des demi-finales car elles ont eu lieu sur trois sites différents : à Hayange, Aulnay et Istres.
Pour en savoir plus :
- Résultats des demi-finales du CFA 2017 sur le site de la Fédération française de boxe (article)
- Retour en images à Hayange (article)
- Album photo de l'évènement sur la page Facebook de la Ville de Hayange (lien)
- Boxe anglaise : Finales CFA SH 2013 (article)
Cet article est spécialement dédicacé à Vincent Mastrorillo, ex-champion de boxe, aujourd'hui responsable des sports à la Ville de Hayange ainsi qu'à son papa Vito qui m'ont permis d'enfiler mes premiers gants au Fond des vaches durant ma jeunesse.
Merci également à la Ville de Hayange, aux bénévoles passionnés de la Section hayangeoise de boxe (Tony Tiberi, José Linhares, Pietro Lai, Jordan Lecocq...) et au Comité régional d'Alsace-Lorraine (CRAL) présidé par Henri Graff pour avoir permis la tenue de cette soirée dédiée au noble art!